mardi 22 novembre 2011

Il était une fois…Dorothée Nawezi, une porteuse de la fistule en RDC

C’était il y’a presque treize ans maintenant, mais Dorothée Nawezi s’en souvient comme si c’était hier. Dorothée, la trentaine révolue, a été victime d’une fistule obstétricale. Peu après son premier accouchement, elle avait des secrétions d’une odeur désagréable et insupportable, des écoulements vaginaux constants et malodorants. Au fil des semaines, mois et années, ses proches ou ses amis ne voulait plus d’elle et son mari l’avait même répudié. 
« Deux jours avant l’accouchement, j’avais des douleurs atroces. Je ne savais pas joindre mon mari qui était de garde au service. Je n’avais aucun sous sinon l’argent pour m’acheter des gants. Cette nuit-là de l’accouchement, il n’y avait pas de responsable au Centre de santé qui se situait à une vingtaine de minutes de ma maison. Il n’ y’avait que l’infirmier de garde. A première vue, j’ai lu la  panique dans ses yeux à mon arrivé. Les douleurs de l’enfantement s’accentuaient mais je n’avais pas assez de force et de souffle pour accoucher normalement », se rappel Dorothée. 
A Kimbanseke, précisément à Mikondo, l’un des quartiers périphériques de la ville de Kinshasa où Dorothée a vécu tout le temps de son mariage, près de cinq mille familles y vivent, selon les estimations des anciens et notables du quartier. Dans ce faubourg, existe jusqu’à ce jour, une petite structure médicale privée, a-t-on constaté. Rares sont les femmes qui font le déplacement pour aller accoucher soit à l’hôpital « Roi Baudouin » ou à la maternité des sœurs religieuses de « Kingasani », deux grandes formations médicales pourtant assez proche de Kimbanseke. 
Docteur Kawende Bora, l'une des portes-voix des femmes porteuses de fistules CP: DR
Docteur Kawende Bora est gynécologue, obstétricienne chargée des programmes de santé maternelle et néo-natale et point focale de la Campagne d’élimination de la fistule au Fonds des Nations-Unies pour la Population, Unfpa. Nous l’avons rencontré :«  Si c’était une accoucheuse formée, l’erreur survenue lors de l’accouchement de Dorothée aurait été évité. Car les accoucheuses diagnostiquent et dépistent les complications liées à la grossesse. Lorsqu’une femme est en travail, dit-on, le soleil ne doit ni se lever, ni se coucher deux fois. Si cela est constaté, le médecin décide sans hésiter pour une césarienne. Souvent on enregistre des cas des fistules dans des milieux où il y’a pas des médecins. Or pour procéder à la césarienne, il faut qu’il y ait des médicaments, une table opératoire, d’autres produits et instruments de travail. Sans cela, il est difficile de faire face à une grossesse compliquée », estime le Docteur Bora qui définit la fistule comme une communication anormale entre les voies génitales et urinaires qui survient après un accouchement difficile au cours de laquelle l’enfant n’a pas pu sortir soit parce qu’il était en mauvaise position, soit qu’il était trop gros ». 
Le manque des moyens financiers liés aux conditions sociales de Dorothée Nawezi et l’absence d’un personnel qualifié au niveau du centre de santé de Mikonga ont largement contribué à la provocation de la fistule. « J’attendais avec impatience tandis que j’étais alitée, les premiers cris de mon enfant. Les minutes de silence pinçaient mon cœur », raconte Dorothée avec amertume. C’était un mort né. Un garçon de 3kilo 700gr, précise t-elle. Le décès du bébé avait affecté Nawezi. La santé de l’ex- épouse du militaire des Forces Armés de la RDC, Fardc, évoluait de mal en pis. « Je croyais que ma plaie allait vite se cicatriser. Au fur et à mesure que les jours  passaient, l’écoulement ne s’arrêtait pas. Il y’avait fuite d’urines et de matières fécales d’une manière incontrôlée au point qu’en l’espace d’une heure, je devais changer une quinzaine de tissus ou serviettes », avoue t-elle. 
Les nouvelles des interventions chirurgicales gratuite des fistuleuses organisées par l’Unfpa sont parvenu aux oreilles de Dorothé en 2009. Actuellement elle n’a pas honte de briser son silence et de raconter son histoire parce qu’elle a été guérie il y’a déjà une année de la fistule urogénitale. Elle a reçu des soins gratuits  à l’hôpital Saint-Joseph dans la commune de Limete. D’après le Docteur Bora, depuis 2003, l’Unfpa a lancé la campagne pour l’élimination des fistules en RDC. « L’Unfpa avec d’autres partenaires ont voulu s’occuper de toutes ces femmes qui souffrent de façon muette. Nous avons d’abord commencé par la prévention, c’est-à-dire, à attirer l’attention de tout le monde sur cette affection. Nous estimons que de la Panification Familiale aux Consultations prénatales, il faut qu’il y ait des soins appropriés au moment opportun. Les femmes qui attendent famille doivent également accoucher dans des hôpitaux et structures médicales équipés. C’est pourquoi l’Unfpa verse de l’argent à l’hôpital Saint-Joseph et Biamba Marie Mutombo dans la Commune de Masina et au Centre hôspitalier Nganda dans la commune de Kintambo pour le traitement gratuit des fistuleuses », affirme le Docteur. 
Même si jusque là Dorothée demeure célibataire, elle se réjouit du sourire et de la joie de vivre qu’elle a retrouvée. « Lorsque mon mari m’avait chassé de sa maison, j’avais souffert de la discrimination. J’étais marginalisée. Mes voisines m’ont traité de tous les noms. Elles disaient que j’étais sorcière. Je pensais que c’était un mauvais sort, la fistule… et que c’était une malédiction ou maladie inguérissable. Il aura fallu près de quinze ans pour voir la campagne de l’Unfpa dans les médias et voir ma situation changer. Avec mes ventes des légumes au marché, je réussis à nouer les deux bouts du mois », dit-elle. « La facture de l’opération d’une fistule varie entre 500$ et 1000 $ américains. C’est en 2006  que nous avions commencé les soins gratuits des fistules. En 2011 plus de 2.500 femmes porteuses des fistules ont été opérées. Avec l’appui de l’Unfpa, environ 300 femmes ont bénéficié d’un appui financier pour une réintégration sociale dans la société. Aujourd’hui les gens savent que la fistule est une maladie et non pas un mauvais sort. Ce qui est aussi une bonne chose », conclut le Docteur Kawende Bora. 
La fistule, une communication anormale entre la voie génitale et urinaire CP: DR
Dorothé a tourné une page douloureuse de son histoire. La blessure psychologique et morale causée par les railleries de ses amies a été pansée. Dorothée Nawezi se veut le Porte-voix des fistuleuses. A chaque occasion, elle plaide pour une assistance médicale et une prise en charge sociale des femmes porteuses des fistules, estimées  en 2007 par le Programme National de la Santé de la Reproduction, à plus de 42.000.

3 commentaires:

  1. C EST TRÈS PRÉOCCUPANTE COMME SUJET IL PARAIT IMPORTANT DE FAIRE LARGE SENSIBILISATION AUPRÈS DES FEMMES SOUFFRANTES DES FISTULES, des émissions à propos.

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  2. C'est drôle, je n'ai jamais su que certaines femmes vivaient avec ces genres d' handicaps.Pourquoi ne pas diffuser largement l'appui de l'unfpa en ce domaine à l'intention de ces femmes atteintes? Je crois qu'elles sont nombreuses mais n'en parlent pas, non seulement parce qu'elles ne savent pas où obtenir du secours mais aussi sont démunies.Comme la proposition précédente, des émissions en LINGALA par exemple.

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  3. Je m'y penche, croyez-moi, sur ce dossier en vue d'un plaidoyer réussi pour sauver pourquoi l'ensemble de toutes ces femmes. C'est une bonne idée, celle de diffuser les émissions en Lingala et évoquer ce que l'Unfpa fait sur le terrain. Elles sont nombreuses dans les provinces du Nord et Sud Kivu et dans la Province Orientale. Lorsque les rebelles violaient les femmes, ils utilisaient des objets tranchants, des bâtons, des bouteilles...Et cela a laissé d'innombrables femmes avec cette pathologie...Au Su-Kivu, il y'a un hôpital réputé pour les fistules, c'est l'hôpital de Panzi. Mais l'Etat Congolais doit mettre ou affecté un budget conséquent en Santé pour sauver ces femmes car les bailleurs sont à bout de souffle. Bonne idée pour les émissions en langue nationale...Merci-

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