jeudi 10 août 2017

La mise en place du CNSA ne fait pas l'unanimité en RDC

Le projet de mise en place du Conseil national de suivi de l’Accord - du 31 décembre 2016 - et du processus électoral (CNSA, en sigle) peine à trouver son épilogue en République démocratique du Congo. Samedi 22 Juillet 217, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo et celui de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, annonçaient à la presse, après évidemment plusieurs réunions et séances de travail, les noms de membres de l’équipe du CNSA, « l’organe devant jouer le rôle d’arbitre pendant la période de transition en RDC ». Conformément à l’Accord, «les parties prenantes, y compris la Conférence épiscopale nationale du Congo (CÉNCO), s’accordent sur le nombre de 28 membres issus des parties prenantes, d’un président du bureau, de trois vice-présidents, d’un rapporteur et d’un questeur,  pour constituer le CNSA ».
Joseph Olenga Nkoy, premier dirigeant du CNSA, Conseil National de Suivi de l'accord politique du 31 décembre 2016 en RDC CP: Droits Réservés.

Le premier staff du CNSA est constitué de représentants de la Majorité ainsi que des dissidents du Rassemblement de l’opposition et de quelques membres de la Société civile. La présidence a été confiée à Joseph Olenghankoy, président des Forces Novatrices pour l’Union et la Solidarité (Fonus) et responsable d’une aile dissidente du Rassemblement des Forces politiques et sociales acquises au changement. « Nous sommes mal réputés à travers le monde. On nous considère comme des gens qui veulent beaucoup manœuvrer avec les textes. Mais pour une fois, j’ai vu la conscience nationale et le patriotisme prendre le dessus ou régner sur des combines par la désignation des membres qui doivent composer et diriger le CNSA’’, s’est félicité Joseph Olenghankoy, au lendemain de sa désignation devant le micro de Vox Congo, un programme radiophonique financé par l'agence américaine Internews.
Les deux vice-présidents connus sont Adolphe Lumanu, désigné par la Majorité présidentielle,  et Vital Kamerhe, président de l’Union pour la nation congolaise (UNC). Kamerhe, qui est à la fois signataire de l’Accord du 18 octobre 2016 et de celui du 31 décembre 2016, dénonce la violation du dernier Accord et décline son poste. Célé Yamba, interfédéral adjoint de l’UNC, ville de Kinshasa, en charge de la communication, explique : « L’Union pour la nation congolaise refuse d’accepter une unième violation de l’Accord. Nous attendons que le chef de l’État, Joseph Kabila, à qui la CÉNCO avait remis les résolutions et qui avait promis de s’investir pour dégager par consensus la personnalité devant succéder à Étienne Tshisekedi, revienne à l’esprit et à la lettre de l’Accord. Sans quoi le président national de l’UNC  ne participera pas au CNSA et n’enverra pas non plus un autre délégué ».
Vital Kamerhe, dans son fief natal, au Kivu dans l'Est de la RDC CP: Droits réservés.
Le troisième vice-président du CNSA, qui doit être un candidat de la plateforme politique Front pour le respect de la Constitution, n’est pas encore désigné. « Le Mouvement de libération du Congo (MLC), via le Front pour le respect de la Constitution (FRC), croit plutôt satisfaire le peuple congolais en s’en tenant au strict respect des textes signés et des engagements pris », a affirmé Désiré Mbonzi wa Mbonzi, secrétaire national en charge de la mobilisation au MLC et porte-parole du FRC. « L’intérêt premier du FRC est de voir la tenue des élections dans le délai, tel que fixé dans l’Accord de la CÉNCO. Nous avons toujours revendiqué la présidence du CNSA. Il y a une irrégularité flagrante dans le mode de désignation. Le FRC ne peut pas accepter qu’un groupement politique, sinon un individu, soit juge et partie dans cette désignation. Le FRC estime qu’il ne peut pas transiger sur un sujet qui touche à la marche de l’État. Nous réaffirmons que la présidence du CNSA doit revenir au FRC, le contraire est simplement rejeté ».

La désignation de l’équipe dirigeante du CNSA n’enchante pas la CÉNCO qui estime que les présidents de deux chambres du Parlement congolais ont tort de désigner unilatéralement les animateurs du CNSA, sans avoir au préalable consulté l’ensemble de toutes les plateformes du Rassemblement, en guise de transparence et du respect de l’Accord du 31 décembre 2016. Pour la CÉNCO, il sera difficile pour elle d’approuver le staff désigné dans ces conditions. « La CÉNCO, dans le dernier message des évêques, s’était déjà prononcé sur ce dossier de désignation des membres du bureau du CNSA. Ces arrangements particuliers n’ont pas de considération pour nous, parce qu’ils ont été qualifiés par les évêques ’’ d’arrangements qui ont vidé l’Accord de sa substance ’’. Donc ce n’est pas de cette façon que la CÉNCO entrevoyait et entendait voir une solution. Le fait qu’il n’y ait même pas consensus là-dessus, risque encore de compliquer les choses. Les évêques tiennent au strict respect de l’Accord et chacun doit assumer ses responsabilités », a renchéri le secrétaire général de la CÉNCO, l’abbé Donatien Nshole.
Le CNSA, d’après le texte de l’Accord,  a pour mission de veiller au respect de l’Accord politique par tous les animateurs des institutions et d’assurer le suivi ainsi que l’évaluation de sa mise en œuvre en vue de garantir l’organisation des élections crédibles, transparentes et apaisées. Ceci veut dire que le CNSA a pour tâche la réalisation des évaluations régulières du processus électoral, au moins une fois tous les deux mois, avec la Commission électorale nationale indépendante (Céni) et le gouvernement.
Le CNSA doit veiller à communiquer régulièrement sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’accord, formuler des recommandations respectivement au parlement, au gouvernement et à la Céni pour la bonne exécution de l’Accord. Il doit assurer le règlement d’éventuelles divergences nées de l’interprétation de l’Accord entre les parties prenantes et concilier leurs points de vue à cet égard. Il doit également se concerter avec le gouvernement et la Céni afin d’harmoniser les vues quant à la réussite du processus électoral. Il a pour tâches d’élaborer son règlement intérieur sous réserve de sa conformité à la constitution, d’apprécier de manière consensuelle le temps nécessaire pour le parachèvement des dites élections avec le gouvernement et la Céni. 

Mais la désignation de sa première équipe dirigeante irrite et agace  l’aile du Rassemblement dirigée par Félix Tshisekedi, fils de l’ancien leader de l’opposition radicale, Étienne Tshisekedi, décédé en début février 2016 en Belgique. Les alliés de cette plateforme voient dans la désignation d’Olenghankoy et compagnie une manœuvre du pouvoir destinée à amadouer l’opposition, à retarder l’organisation des élections présidentielles et législatives et, ainsi, à se maintenir au pouvoir au-delà de la ligne rouge fixée les discussions qui avaient abouti à l’Accord de la Saint Sylvestre 2016. 

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