lundi 20 août 2012

Jean-Paul Dietric : La formule militaire de la Monusco n'est pas assez efficace en RDC


Le Colonel Jean-Paul Dietrich accuse la Monusco et l'Etat Congolais dans son interview CP: DR
En séjour de deux semaines à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, RDC, Jean-Paul Dietrich, de nationalité suisse, a accepté de faire une courte analyse de la situation sécuritaire en RDC. Pour l’ancien Porte-parole militaire de la MONUC, tant que l’Etat Congolais accusera des faiblesses et aura du mal à combler son déficit organisationnel et sécuritaire, la paix restera un rêve en RDC et les populations congolaises demeureront des victimes. Le colonel Dietrich s’investit actuellement dans les travaux de recherches sur « le renforcement des capacités civiles en maintien de la paix ». Son voyage à Kinshasa s’inscrit dans ce cadre ou logique. Jean-Paul Dietrich est franc. Il coupe le cordon ombilical avec la langue de bois: « Présentement, la formule militaire de la MONUSCO n’est pas assez efficient pour stabiliser la situation sécuritaire en RDC », dit-il.

Zaïna Kere-Kere Mishe (ZKM) : Comment vous présenter ?

 Jean-Paul Dietrich (JPD) : J’ai servi comme Porte-parole militaire de la MONUC, Mission de l’Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, de janvier 2008 à mars 2010. En outre, j’ai travaillé dans des missions du maintien de la paix au Proche Orient et en Namibie. J’étais également en mission en Corée et comme attaché de défense en Russie et l’Asie centrale.

ZKM : Vous aviez exercé votre fonction pendant deux ans en RDC, la tâche était-elle facile ?

JPD : Je dirais que c’était une tâche fascinante en dépit des moments difficiles liés à l’évolution de la situation sécuritaire à l’Est de la RDC. Mais dans l’ensemble de l’activité professionnelle, c’était une expérience passionnante et riche dont on peut regretter. En tous cas je ne lamente pas cette opportunité. Je suis très satisfait d’avoir travaillé en RDC. J’espère que mes efforts d’informer d’une manière franche et honnête sur nos activités, ceci à travers l’information publique de la MONUC, étaient aussi utiles pour la population congolaise.

ZKM : Quelles sont les difficultés rencontrées dans vos fonctions ?

 JPD : La difficulté qu’on rencontre dans cette fonction est le flou d’informations. Les incidents et les événements sont concentrés dans les provinces de l’Est de la RDC. Donc il était parfois difficile d’avoir des informations recoupées au moment où on les sollicitait suite à la demande de la presse congolaise ou internationale et de les vérifier. C’était toujours une course contre la montre. Bref, c’était le flux, le flou, la complexité et la véracité de toutes ces informations qui me parvenaient.

ZKM : Comment obteniez-vous toutes ces informations ?

 JPD: Je me referais aux informations du système des Nations Unies notamment sur les documents militaires de la Force. Cette dernière  avait l’obligation de publier tous les jours différents rapports, selon l’actualité. En plus, il y’avait aussi les exposés politiques des nos collègues civils de la MONUC a notre disposition.

ZKM : Considérez-vous comme échec cette bascule de la MONUC à la MONUSCO, Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo?

JPD : Je ne le considère pas comme échec. Je pense qu’on a voulu donner un autre accent à cette mission onusienne qui est jusque-là l’une des plus importantes de l’ONU en termes de dispositif et de budget. Il est exact que la MONUC était aussi une mission de stabilisation parce que le but était en effet de contribuer à la consolidation de la paix en faveur des populations congolaises. Tandis que dans la MONUSCO, l’accent est beaucoup plus mis sur certains programmes d’accompagnement tel que STAREC, le plan de stabilisation et de restauration des régions affectées par les conflits, un programme créé en 2009 par le Président Congolais, en vue de prendre la relève du Programme Amani. Le STAREC est axé sur la sécurité, l’humanitaire et l’économie. Le volet sécuritaire tient à résoudre la question d’insécurité par le déploiement de la police, l’armée et par la construction des casernes. Il  consiste à aider le gouvernement à retrouver ses prérogatives régaliennes par la restauration de l’autorité de l’Etat. Le volet humanitaire concerne la réinsertion des personnes déplacées. Il faut faire revenir tous les déplacés chez eux et leur trouver des occupations et d’autres. Cependant il revient au gouvernement Congolais de solliciter et proposer des programmes aux différents organismes de l’ONU en vue d’améliorer la situation (ndlr).

 ZKM : Sur le terrain la MONUSCO  peine toujours à stabiliser la RDC…

JPD : Il y’a eu tout de même du progrès en dépit de l’actuel conflit qui a surgit au Nord-Kivu. Par contre on constate que la situation sécuritaire se détériore aussi en  Province Orientale. Le Kivu demeure le ventre mou malgré les efforts de multiples organismes internationaux. A bien analyser, les solutions militaires à elles mêmes ne suffisent pas. Il faut les moyens du maintien de la paix civil pour pacifier l’ensemble de ce vaste pays, notamment la réconciliation, la médiation, le dialogue pour enterrer la hache de guerre qui sévit dans les différentes communautés congolaises. Au-delà , il y’a un déficit organisationnel au niveau local. Dans certaines régions ou zones, l’Etat Congolais accuse certaines faiblesses d’autorité. Il faut donc combler ce déficit, continuer à construire les administrations locales et le système judiciaire, ainsi la poursuite de la réforme du secteur de sécurité. Actuellement, les FARDC, Forces armées de la RDC et la Police Nationale  n’arrivent pas encore à assurer la défense et la sécurité des populations congolaises. Personnellement, j’estime aussi, qu’à l’heure actuelle, la formule militaire de la MONUSCO n’est pas assez efficient pour stabiliser avec succès la situation sécuritaire en RDC, dont la responsabilité principale appartient aux autorités congolaises.

ZKM : Vous voulez dire c’est pourquoi les pays voisins en tirent profit, tel que le Rwanda ?

 JPD : Je ne sais pas me prononcer sur cette question. Il est vrai que les Nations Unies ont révélées une certaine implication d’un pays voisin dans l’actuel conflit au Nord-Kivu. Ce qu’il est important de savoir, le Congo-Kinshasa reste un pays qui attire les regards de ses voisins et de l’extérieur à cause de ses richesses. Toutefois je pense, que tous les pays de la région des Grand Lacs ont intérêt de la stabilité en RDC pour un avenir meilleur de l’ensemble des peuples de cette région. En outre, ce n’est pas seulement à l’Est de la RDC où la sécurité des populations pose une difficulté mais il y’a aussi cette détérioration de la situation sécuritaire dans la ville capitale Kinshasa qui inquiète au jour les jours avec le foyer des bandes de voyous et voleurs - « Shégués » ou « Kuluna » - (ndlr) alors que le pays s’apprête à accueillir le 14ème sommet de la Francophonie.

ZKM : Mais vous sans ignorer que l’épine sous le pied de la RDC sont les FDLR,  Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda…

JPD : La MONUSCO, selon son mandat, mène des opérations conjointes avec les FARDC pour réduire l’influence des FDLR. Mais la source d’insécurité n’est pas vraiment la menace par les FDLR. Il faut noter l’absence de l’autorité étatique dans certaines parties du pays. Conséquence : des groupes d’insurgés naissent pour créer l’instabilité. Chose que nous déplorons tous.

ZKM : Malgré cela la RDC n’a pas une fabrique d’armes Monsieur ancien Porte-parole militaire de la MONUC…

 JPD : C’est correct qu’il y’a beaucoup d’armes qui circulent en RDC. Et ces armes s’infiltrent à travers des aéroports non surveillés. Et aussi, les frontières sont poreuses. Il persiste ce cycle de violence en RDC parce que ce grand pays est exposée à des intérêts très différents. Raison pour laquelle nombreux d’acteurs internes et externes profitent de la faiblesse des structures et d’institutions. Il suffit seulement d’observer comment d’autres pays Africains autrefois secoués par des crises armées ou guerres civiles ont pu s’en sortir avec l’aide des Nations Unies. Cependant pour la RDC, à cause des intérêts ambigus, sa situation est beaucoup plus difficile et complexe. Et considérant tout cela, j’estime que la MONUSCO a encore des beaux jours devant elle en RDC parce que cette mission onusienne, à travers ses composantes civiles et militaires, accompli un grand nombre d’actions dans différents domaines et apporte un soutien considérable aux efforts du développement de la RDC.

ZKM : Votre mot de la fin…

JPD : Je souhaite toutes les bonnes choses au peuple congolais. Le potentiel humain du Congo est impressionnant. Même chez mois, en Suisse, je porte toujours le Congo-Kinshasa dans mon cœur. Mon souhait est de voir la RDC aller de l’avant et de bâtir un futur prospère.

ZKM : Merci.

JPD : C’est plutôt moi qui vous remercie.


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